Etapes de la chirurgie orthognatique

La chirurgie orthognathique désigne la chirurgie des os de la mâchoire. Elle est principalement indiquée pour corriger une malformation congénitale (qui survient dès la naissance) ou acquise (traumatisme, accident). Elle peut concerner le maxillaire (os supérieur) et/ou la mandibule (os inférieur).

Généralement, cette chirurgie est précédée d’un traitement d’orthodontie qui consiste à placer des broches dans la bouche du patient afin d’aligner les dents. L’intervention chirurgicale se réalise sous anesthésie générale.

Dans cette rubrique vous trouverez de nombreux conseils afin de vous préparer au mieux à cette phase chirurgicale.

1) Première consultation

La première consultation chez le chirurgien maxillo-facial est rarement de la propre initiative du patient. En général, c’est l’orthodontiste, le dentiste traitant ou le médecin généraliste qui demande un avis concernant une éventuelle chirurgie orthognathique.

Cette consultation est stéréotypée, tout comme la plupart des étapes de la prise en charge.

Objectifs de cette première consultation :

  • Evaluer les plaintes et les demandes du patient
  • Poser un diagnostic précis et une éventuelle indication chirurgicale
  • Expliquer les principes de la prise en charge orthodontico-chirurgicale
  • Etapes et durée de traitement
  • Principes d’hygiène bucco-dentaire

Déroulement de la consultation :

Le bilan clinique :

  • Motivation(s) du patient : gène fonctionnelle (douleur, craquements, ressauts des articulations temporo-mandibulaires), déchaussement ou pertes dentaires, gêne masticatoire, demande esthétique…
  • Etude de l’occlusion dentaire : mise en évidence du type de dysmorphose
  • Etude du parodonte et du niveau d’hygiène bucco-dentaire
  • Analyse esthétique du visage de face et de profil

Examen des empreintes dentaires (réalisées en principe par le dentiste ou l’orthodontiste)

Bilan radiologique pour mettre en évidence les décalages osseux

Prise de photographies sous des incidences standardiséeS

Durée :

En général, la durée de la première consultation chirurgicale est d’environ une demi-heure.

Au terme de ce bilan, le chirurgien adresse un courrier à son correspondant orthodontiste afin de confirmer l’indication chirurgicale. Le plan de traitement global est évoqué et clairement expliqué au patient. Celui-ci doit l’avoir parfaitement compris pour pouvoir y adhérer totalement. Un protocole ortodontico-chirurgical est en effet un traitement souvent long qui nécessite une participation active du patient à toutes les étapes.

Le patient est alors réadressé à son orthodontiste pour débuter la préparation dentaire.

2) La préparation

Une préparation orthodontique précédant la chirurgie orthognathique est quasi systématique. Votre orthodontiste vous en expliquera clairement les raisons et le déroulement.

But :
La préparation orthodontique a pour but de parfaitement aligner les dents des arcades maxillaire et mandibulaire. On appelle cela la phase de « décompensation dentaire ». Ainsi, après réalisation des ostéotomies chirurgicales, elles pourront s’engrener correctement dans leur nouvelle position.

Déroulement :
La préparation orthodontique débute souvent après la première consultation maxillo-faciale. Parfois, lorsque l’orthodontiste est certain de la nécessité d’un geste chirurgical, il peut débuter le traitement en attendant que son patient puisse rencontrer le chirurgien dont les délais de consultation sont parfois longs.

Le travail de l’orthodontiste est de modifier la position des dents grâce à la mise en place de brackets et de bagues. Il existe plusieurs systèmes dont votre praticien vous parlera ; certains sont plus discrets que d’autres (orthodontie linguale).

Des empreintes sont réalisées régulièrement pour juger de l’avancée de la préparation. Lorsque l’orthodontiste pense que sa préparation orthodontique pré-chirurgicale est terminée, il renvoie le patient au chirurgien maxillo-facial afin qu’il confirme la possibilité de réaliser le geste chirurgical et détermine la date opératoire.

Les dents de sagesse inférieures incluses doivent fréquemment être retirées au minimum 6 mois avant le geste chirurgical car elles peuvent entraver la réalisation de la chirurgie.

Durée :
La préparation orthodontique est plus ou moins longue. Elle dure en général entre 6 mois et 2 ans.

3) La phase pré-opératoire

Lorsque l’orthodontiste pense avoir terminé la préparation orthodontique, il adresse de nouveau son patient au chirurgien avec un courrier et des moulages dentaires réalisés récemment.

But :
Accord du chirurgien pour la chirurgie.
Explications données par le chirurgien au patient sur la chirurgie, les suites et les complications éventuelles.
Détermination des gestes chirurgicaux à réaliser.
Choix de la date opératoire.
Confection des guides chirurgicaux par le prothésiste dentaire

Déroulement :
Consultation avec le chirurgien.
Vérification de l’avancée de la préparation orthodontique à partir des moulages dentaires. Ceci permet de prévoir la stabilité du geste chirurgical à la fin de l’intervention. Le chirurgien peut repousser la date opératoire s’il juge que la préparation orthodontique n’est pas terminée.
Détermination précise de l’intervention chirurgicale qui sera réalisée (ostéotomie de Le Fort I, ostéotomie sagittale mandibulaire ou ostéotomie bimaxillaire) pour normaliser l’occlusion tout en obtenant des rapports harmonieux du visage.

Information du patient sur le geste chirurgical, la durée d’hospitalisation, les suites postopératoires, les complications possibles…Voir Fiches chirurgicales

Mise en place du matériel orthodontique adapté à la chirurgie par l’orthodontiste (arcs chirurgicaux avec potences). Il permettra la mise en place d’élastiques intermaxillaires nécessaire au blocage postopératoire.

Consultation pré-anesthésique comme avant toute intervention chirurgicale, environ 15 jours avant la date chirurgicale. C’est également l’occasion de rencontrer le prothésiste dentaire chirurgical qui va simuler la chirurgie qui sera réalisée et réaliser les guides chirurgicaux.

Réalisation des guides chirurgicaux. En fonction des mouvements osseux déterminés par le chirurgien (avancée mandibulaire, impaction maxillaire…), des plans de morsure sont réalisés avant la chirurgie par le prothésiste dentaire. Ils seront utilisés pendant l’intervention pour régler très précisément la position des mâchoires.

Durée :
La date opératoire est proposée par le chirurgien en accord avec son patient. En fonction du programme opératoire du chirurgien, plus ou moins chargé, le délai avant la chirurgie varie d’un mois à trois mois environ.

L’arrêt d’un éventuel tabagisme est conseillé 15 jours au minimum avant l’intervention afin de simplifier les suites postopératoires (meilleure cicatrisation muqueuse, diminution du risque anesthésique …).

4) L’hospitalisation

LE JOUR DE L’HOSPITALISATION :
Le patient entre habituellement le jour précédent l’intervention, parfois le jour même. Des chambres seules sont disponibles à l’hôpital ou en clinique. Il faut en faire la demande assez tôt et une taxe supplémentaire est habituellement retenue. Ces chambres seules peuvent cependant être données à des patients dont la pathologie est plus grave à n’importe quel moment sur décision médicale. Le patient rencontre de nouveau son chirurgien qui répond aux éventuelles dernières questions qu’il se pose.

L’anesthésiste s’assure de nouveau que le patient peut être endormi en toute sécurité. Une pathologie pulmonaire passagère par exemple (bronchite, pneumonie…) peut conduire à repousser l’intervention.

LE MATIN DE L’INTERVENTION :
Une pré-médication est administrée au patient par une infirmière du service d’hospitalisation peu avant qu’il soit conduit au bloc opératoire.
Le patient est conduit au bloc opératoire dans son lit par l’équipe de brancardage. L’horaire de passage prévu peut varier parfois de quelques heures en fonction du déroulement des interventions précédentes.
Au sortir de l’intervention, le passage en salle de réveil du bloc opératoire dure environ une heure trente, puis le patient est remonté dans sa chambre.

LE SOIR DE L’INTERVENTION (J0) :
Le patient a la mâchoire du haut bloquée avec celle du bas à l’aide d’élastiques (blocage intermaxillaire). Cette contention permet de stabiliser le montage réalisé sur les mâchoires pour que la consolidation osseuse se fasse strictement dans la position désirée.

La sonde naso-gastrique est retirée le soir même. Elle a servi à vider l’estomac et diminuer les risques de vomissements postopératoires.

Les éventuelles douleurs sont calmées par des antalgiques adaptés. Le patient est régulièrement invité à apprécier sa douleur sur une échelle de 1 à 10 pour que le meilleur traitement anti-douleur puisse être administré. Les interventions de chirurgie orthognathique sont habituellement peu douloureuses et bien calmées par les antalgiques.

En général, il n’y a pas de drainage des sites opératoires. Cependant si le saignement a été important durant l’intervention, le chirurgien peut décider de mettre en place un système de drainage pour 24 heures (fins tuyaux sortant à travers la peau sous le rebord mandibulaire et aspirant les suintements de sang dans les tissus, pour éviter la formation d’hématomes postopératoires).

Des vessies de glace sont appliquées sur les joues et le repos se fait en position demi-assise.

LE LENDEMAIN DE L’INTERVENTION (J1) :
Reprise de l’alimentation par la bouche (liquide).
Lever du patient. La chirurgie orthognathique ne rend pas malade ou invalide. Un lever précoce permet de faire régresser l’œdème plus rapidement.
Apprentissage de l’hygiène buccodentaire (jet dentaire et bains de bouche). Celle-ci est indispensable pour diminuer le risque d’infection postopératoire.
Radiographies de contrôle.

LE SURLENDEMAIN DE L’INTERVENTION (J2) :
Apprentissage du retrait et de la mise en place des élastiques par le patient lui-même. A partir de ce jour, et pour une quinzaine de jours, le patient doit retirer ses élastiques avant les repas et les reposer après les repas pour que les mâchoires restent guidées dans la bonne position durant la phase de consolidation osseuse. Passés une quinzaine de jours, les élastiques doivent être portés seulement la nuit.

Apprentissage des exercices de gymnastique mandibulaire pour limiter les douleurs articulaires postopératoires.

Départ du patient à domicile.

DUREE :
L’hospitalisation est habituellement de 3 jours. Elle peut être exceptionnellement rallongée en cas de complication per ou postopératoire précoce.

5) Le retour à domicile

Le patient rentre à domicile habituellement deux jours après l’intervention chirurgicale. Une ordonnance très complète lui est remise après explications du chirurgien.

Les points à respecter à domicile :

Se reposer plusieurs heures par jour, de préférence en position demi-assise afin d’éliminer l’œdème du visage au plus vite. La nuit, dormir avec la tête de lit surélevée ou au moins un oreiller. Beaucoup se reposer en phase postopératoire permet de récupérer plus rapidement de son intervention. Un arrêt de travail d’un mois est prescrit. Un arrêt d’activités sportives de deux mois doit être respecté.

L’alimentation doit être très molle pendant six semaines environ. Il faut durcir très progressivement son alimentation (liquide juste après l’intervention, mixée au bout d’une semaine, normale après 6 semaines). Il ne faut pas vouloir manger normalement trop rapidement, afin de respecter la période de consolidation osseuse. Il ne faut pas non plus manger liquide trop longtemps afin que le fonctionnement des mâchoires reprenne au plus tôt.

L’hygiène endobuccale est fondamentale. Les cicatrices muqueuses à l’intérieur de la bouche ne seront parfaitement cicatrisées qu’après 15 jours environ. Pendant toute cette période post-opératoire, une hygiène insuffisante peut entraîner une infection du site opératoire. Il faut donc réaliser un brossage dentaire avec une brosse à dent chirurgicale plus un bain de bouche après chaque repas. Le tabagisme est fortement déconseillé. Les bains de bouche peuvent être stoppés après une quinzaine de jours.

La glace. Il faut appliquer de la glace plusieurs heures par jour sur les joues pendant une quinzaine de jours après l’intervention. Il peut s’agir de vessies de glace ou du système de bandeau réfrigérant distribué par la société ALLEGRE CHIRURGIE qui a notre préférence car il libère les mains et permet les activités courantes (lecture…) tout en conservant une atmosphère froide autour des zones opérées. La glace a un effet anti-inflammatoire, anti-infectieux et antalgique. Elle limite également le risque infectieux.

Contrôler le blocage des mâchoires. Votre chirurgien vous a appris avant la sortie de l’hôpital à retirer et remettre les élastiques qui retiennent vos mâchoires serrées. Le timing doit être le suivant :

Pendant 15 jours  ne retirer les élastiques que pendant les périodes de repas. Le reste du temps, les élastiques doivent maintenir les mâchoires en place, parfois guidées par le plan de morsure du prothésiste.

Après 15 jours  et jusqu’au rendez-vous de contrôle avec le chirurgien, ne garder les élastiques que la nuit.

Pendant la phase de blocage quasi-permanent (les 15 premiers jours après l’intervention), la séquence doit donc être la suivante

  • Retirer les élastiques (et le plan de morsure si votre chirurgien vous a demandé de le garder
  • Repas
  • Hygiène endobuccale
  • Rééducation des articulations (cf. dessous)
  • Remise en place des élastiques (et éventuellement du plan de morsure).

LA RÉÉDUCATION DES ARTICULATIONS TEMPOROMANDIBULAIRES (ATM) :

Le blocage maxillo-mandibulaire (BMM) recommandé par votre chirurgien a pour but de maintenir les mâchoires strictement dans la bonne position afin que la consolidation osseuse se fasse dans la position optimale.

Cependant, cette immobilisation forcée des mâchoires n’est pas favorable à la physiologie des ATM et peut engendrer des douleurs, des tensions, voire des limitations d’ouverture buccale persistantes dans la phase post-opératoire. D’autant plus que le geste chirurgical survient chez des patients présentant déjà des problèmes articulaires (douleurs, claquements, ressauts…) du fait de leur dysmorphose dento-maxillaire.

Il faut donc limiter au maximum l’effet néfaste du BMM sur la physiologie articulaire, et cela passe par une rééducation bien conduite des ATM.


LA RÉÉDUCATION :

Trois types de mouvements doivent être répétés :

  • La diduction : cela consiste à faire glisser sa mandibule (mâchoire du bas) vers la droite puis vers la gauche le plus loin possible.
  • La propulsion : cela consiste à pousser sa mandibule vers l’avant pour faire passer les dents du bas en avant des dents du haut.
  • L’ouverture / fermeture buccale.

Il faut réaliser cette gymnastique pendant deux à trois minutes après chaque repas (avant de remettre en place les élastiques), et ce pendant au moins deux mois après l’intervention. Au tout début, il est très difficile de réaliser ces mouvements et il ne faut pas s’en inquiéter. Puis cette gymnastique devient progressivement plus simple à mesure que l’ouverture buccale s’améliore.

Il est fondamental de réaliser cette gymnastique très sérieusement sous peine de voir se développer des pathologies articulaires très difficile à traiter par la suite.

Parfois, malgré une rééducation bien faite, il arrive que l’ouverture buccale reste un peu limitée. Votre chirurgien vous confiera alors à un kinésithérapeute spécialisé dans les pathologies maxillofaciales pour vous aider dans cette rééducation.

CONSULTATION DE CONTRÔLE

Une consultation est systématiquement programmée environ 1 mois après l’intervention chirurgicale afin de vérifier la simplicité des suites opératoires.

En cas d’inquiétude quelconque concernant les suites opératoires, n’hésitez jamais à contacter votre chirurgien, soit au téléphone soit par e-mail.

6) Les consultations post-opératoires

 

Trois consultations post-opératoires sont habituellement programmées.

Consultation 1 mois après l’intervention :

Cette consultation permet au chirurgien de s’assurer que les suites de l’intervention sont simples :

  • Aucune douleur
  • Pas d’infection
  • Les points endobuccaux ont disparus
  • L’œdème du visage a partiellement regressé (d’environ 80%)
  • L’ouverture buccale a bien récupéré (d’environ 50 à 80% selon les types d’interventions)

A partir de cette consultation, les bains de bouche peuvent être arrêtés et l’alimentation peut être progressivement normalisée. Le chirurgien vous reconfie alors à votre orthodontiste afin qu’il vous reprenne en charge pour la phase de finitions orthodontiques.


Consultation environ 4 mois après l’intervention :

Cette consultation est l’occasion de réaliser un bilan radiologique de contrôle afin de s’assurer que la consolidation osseuse s’est effectuée normalement. Les radios sont réalisées dans l’unité de consultation, juste avant la consultation avec le chirurgien.

Le chirurgien s’assure également de l’absence de douleurs, de la reprise d’une alimentation normale, et du fonctionnement normal des articulations temporo-mandibulaires.

Un bilan photographique de contrôle est réalisé.


Consultation entre 8 mois et 1 an après l’intervention :

Cette consultation est principalement l’occasion de discuter du devenir des plaques et vis en titane qui ont été posées lors de votre intervention chirurgicale. Ce matériel est en effet inutile dés lors que la consolidation osseuse est obtenue, ce qui est toujours le cas un an après l’intervention. Trois possibilités :

Soit le matériel n’est pas gênant

Il peut alors être laissé en place à vie sans aucun problème, le titane étant « biocompatible », c’est-à-dire parfaitement toléré par le corps humain.

Soit le matériel est gênant

Il est alors recommandé de le retirer car la gêne ressentie liée au matériel ne va pas disparaître si le matériel est laissé en place. La consolidation étant obtenue, il n’y a aucun risque à retirer le matériel.


Soit vous pratiquez un sport « à risque de traumatisme maxillofacial »

De nombreux sports vous exposent à un éventuel traumatisme du visage (sports de combat, football, rugby, basket, équitation…). Si vous receviez un coup important au niveau du visage alors que du matériel en titane est en place, il pourrait s’ensuivre une ou des fractures un peu complexes du massif facial dont la biomécanique est perturbée par tout le matériel en titane (une chirurgie bimaxillaire par exemple exige la pose de 6 plaques et 24 vis en titane !).

Dans ces conditions, il est alors recommandé de retirer tout le matériel en titane.

Points particuliers :

Parfois le chirurgien peut vous revoir que deux fois après l’intervention s’il juge cela suffisant : la première fois environ un mois après la chirurgie, et une seconde fois environ 8 mois après la chirurgie.

Lorsque l’on décide de retirer le matériel en titane, il faut le faire environ un an après le geste chirurgical initial. C’est en effet le meilleur moment pour que l’intervention soit la plus simple.

La dernière consultation (environ 1 an après l’intervention) peut également être l’occasion de discuter d’un éventuel geste chirurgical complémentaire qui peut être réalisé en même temps que l’ablation du matériel titane :

  • Génioplastie
  • Rhinoplastie
  • Chirurgie pré-implantaire…
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